Fotografias de Valter Vinagre, "Bored in the USA", o olho de Polifemo
Loeil de Polyphème- Polyphème, pourquoi ces cris daccablement ?
Pourquoi nous réveiller en pleine nuit divine ?
Serait-ce ton troupeau quun mortel vient te prendre ?
Est-ce toi que lon tue par la ruse ou la force ?
De sa plus grosse voix, Polyphème criait du fond de la caverne : - La ruse mes amis ! La ruse ! Et non la force ! Et qui me tue ? Personne ! »(Homère, Odyssée, Chant IX v.404-408)
De sa plus grosse voix, Polyphème criait du fond de la caverne : - La ruse mes amis ! La ruse ! Et non la force ! Et qui me tue ? Personne ! »(Homère, Odyssée, Chant IX v.404-408)
Avant la photographie régnaient la lumière, les ombres et les images à la superficie calme ou tumultueuse des eaux des rivières et des fontaines. Une fois détournées et asséchées que nous restait-il de ces instants privilégiés qui reflétaient limage du monde et de lhomme ? Que restait-il de ces instants passagers où prédominait la texture des ces moments de lumière variable ? Pendant longtemps le miroir fut la solution du reflet portable, mais déjà les cris de Polyphème laissaient présager linéluctable aveuglement de lillusion. Cest précisément en accord avec cette idée quun personnage de Cent Ans de Solitude, José Arcadio Buendia voulait arriver à faire le daguerréotype de Dieu
ou dun autre dieu. Jimagine facilement la patience de pierre polie de ce dieu qui imprime toute la plaque photographique, qui s'extravase sans peur et qui se soumet docilement à la rectification de toutes les imperfections. Aveuglement et infatigable recherche sont terriblement présents dans la réflexion que suggèrent les photographies de Valter Vinagre. Cest ainsi que se présente le cyclope par le biais de la première image du livre intitulé : Bored in the U.S.A. Cest ici quun il à peine se multiplie dans un alignement qui semble infini et cet organe se produit et se reproduit devant nos yeux dans la succession décrans de télévision. Une seule route est possible et cest la seule image aimablement fournie pour lagrément du voyageur ennuyé. Notre regard est forcé de sincliner, de faire la révérence vers la droite avec un poids, qui ferait basculer les voyageurs, si le poids du regard nétait pas si léger ! Puis, plus loin, dans un cadre noir, lécran rectangulaire dune télévision brandit son image flétrie et brouillée. Tout semble indiquer que limage innocente et limpide na pas lieu. Limage na plus lieu et nous sommes loin, si loin, du miroir ou de la fraîche eau courante qui emporte le présent en passant simplement. Cest le monde en différé, limage du monde à travers les méandres mystérieux des ondes abouchés aux tubes encore cathodiques. Car à peine un il, cet unique il de lobservateur absent, rend compte du manque de clarté et semble indiquer deux espaces. Celui dun il dans le coin inférieur droit, témoin de notre propre regard et celui de lespace ouvert dans la fenêtre de cette porte ouverte, elle aussi, devant le spectateur indécis. Cette fois-ci notre regard pénètre dans le fond de limage pour scruter ce qui se passe de lautre côté. Mais un il à peine, comme lunique il de lobjectif, qui se trouve sur le coin gauche de limage, créant un effet de miroir avec cette fenêtre semblable à un cadre et semblable à un autre écran de télévision, inquiète et interroge. La question se pose comme une évidence inquestionnable. Mais qui voit qui et qui voit quoi ? Tant de cadres se superposent et tous semblent indiquer quil ny a quun il, un seul et une seule vision possible des évènements. Cependant cest un paysage dévènements qui nous est offert dans ce petit livre de photographies de Valter Vinagre, et nous lobservons en stéréoscopie dans le fond de nos rétines fatiguées, mais quelle magnifique réflexion sur limage, sa reproduction et son utilisation !